Soif d’été en septembre – Chronique météo
par Nadia Fournier
Je l’avais prédit: cette année, l’été commencera en septembre! Une prédiction teintée d’égoïsme, je l’avoue, ma saison estivale étant considérablement amputée par la dégustation et la rédaction. N’empêche, nous voilà enfin en septembre, tout chaud, tout de soleil vêtu, sans un nuage à l’horizon… en attendant la venue de José et Maria.
Mais en attendant que ces deux-là se mettent à danser le Fujiwara – c’est tendance dans les Antilles en ce moment à ce qu’il paraît – et que l’automne s’installe définitivement, j’ai comme une envie folle de vivre dans le déni, de ressortir les gougounes, le rosé, le fino, les rouges légers et de savourer chaque parcelle de beau temps qui s’offre à moi.
Envie de me suivre dans le déni? Voici quelques belles bouteilles arrivées sur les tablettes au cours des dernières semaines et autant de gorgées de légèreté à savourer au soleil.
Blanc froid, blanc chaud
Petit bonheur estival à siroter avec des amandes rôties, des olives et des sardines grillées, le Manzanilla Papirusa de la maison Lustau donne presque l’impression d’être sucré, à vue de nez. C’est bien mal connaître le manzanilla, un fino connu pour sa légèreté, qui provient de Sanlucar de Barrameda, en bordure de l’Atlantique. La bouteille goûtée en juillet 2017 était d’une jeunesse éblouissante, avec une explosion de saveurs singulières, entre l’eau de mer, les herbes des prés salés. Hyper complexe, chaleureux et désaltérant comme pas un. À essayer! (12,60 $ – la demi-bouteille)
Plus au nord de l’Espagne, dans la partie sud-est de la Galice, l’appellation Valdeorras a le vent dans les voiles, grâce au retour en force du godello, un cépage blanc indigène qui était largement répandu dans la région avant la crise du phylloxéra. Le Godello 2015 Gaba do Xil de Telmo Rodriguez est ample et vineux, sans impression de sucrosité. Comme nombre de vins blancs, on gagnera à le servir plutôt frais, que froid. (19,55 $)
Toujours en Espagne, mais produit à l’intérieur des terres, le Rueda Verdejo 2016 de Comenge est sec, désaltérant et agrémenté de délicates notes d’herbes et de gazon frais coupé, qui se mêlent aux accents d’agrumes. Original, bien typé de son lieu d’origine et parfait pour accompagner un ceviche de flétan… revisité avec des morceaux de courge, tiens! (17,70 $)
Sur un mode plus substantiel, l’amateur de Bourgogne blanc voudra découvrir le Macon-Verzé 2015 de Nicolas Maillet. Sans tracer un lien direct entre la viticulture biologique et l’équilibre du vin, je dirais que son 2015 ne semble pas avoir souffert de cet été chaud et aride. Au contraire, le vin est nerveux, savoureux et très frais en bouche. (29,40 $)
Dans la même lignée, la roussanne a manifestement elle aussi bénéficié des largesses de 2015, contrairement au viognier, qui accuse une certaine lourdeur à Condrieu. Le Saint-Joseph Blanc 2015 est plein et structuré; pas très vif, mais une bonne dose d’extraits secs et une finale minérale assurent sa fraîcheur. À boire entre 2018 et 2022, avec un poisson à chair grasse comme la lotte, la morue ou le flétan. (38,50 $)
Tout comme pour son célèbre Cigare Volant, Randall Grahm (Bonny Doon Vineyard) mise sur les cépages méditerranéen – roussanne, grenache blanc et picpoul – qu’il connaît si bien pour élaborer Le Cigare Blanc 2013. Résultat, un vin plein et chaleureux (14,5 % d’alcool), au nez original et complexe de fleurs, d’épices et de fruits, qui se retrouvent aussi en bouche. Encore jeune, il devrait mûrir quelques années en bouteille. (35 $)
Soif de rouge – Rouges de soif
Les Foillard possèdent cinq hectares sur le terroir de Corcelette à Morgon, qui est connu pour donner des vins abordables en jeunesse, plus fruités que charnus. Le moût est vinifié de façon traditionnelle, avec les grappes entières, et à basse température, pour éviter d’extraire l’amertume de la râfle. Le vin est particulièrement gourmand en 2015; animé d’un très léger reste de gaz. Atypique certes, mais non moins séduisant. (39,25 $)
Marcel Lapierre – précurseur des vinifications sans soufre – est mort en octobre 2010. Un peu plus de sept ans après le changement de garde, le domaine, aujourd’hui entre les mains de Mathieu et de Camille Lapierre, demeure la référence en matière de morgon. Avec raison! Leur Morgon 2016 est franchement savoureux; tout en légèreté, tissé de tanins fins et soyeux et plein de nuances aromatiques. (32,25 $)
À défaut de Morgon, goûtez le Gamay Noir 2016, produit dans la région de Hawke’s Bay, en Nouvelle-Zélande. Te Mata est l’un des deux seuls domaines néo-zélandais à cultiver le gamay noir, le cépage couvrant à peine une dizaine d’hectares dans tout le pays. Pas étonnant que les 5000 caisses produites annuellement s’envolent en un rien de temps. Vinifié partiellement en macération semi-carbonique – la méthode classique du Beaujolais – le 2016 est nerveux, plein d’éclat, gorgé de fruits rouges et juste assez charnu. À savourer frais. (24,95 $)
Ou encore, flirtez avec le charme et l’élégance du Pinot noir 2014 Central Coast de Josh Jensen, qui fut l’un des premiers vignerons de Californie à se consacrer aux cépages bourguignons. Référence en matière de pinot noir depuis les années 1970, Calera est certifié biologique, possède son propre clone (le calera) et même sa propre appellation, Mount Harlan. En août 2017, Josh Jensen a annoncé qu’il vendait son domaine à Duckhorn Wine Co, faute de relève. Les fans de Calera voudront donc savourer l’un des derniers vins confectionnés par le maître. Issu d’un millésime plutôt frais en Californie, le 2015 laisse une impression générale plus sobre et contenue que la moyenne des pinots de Central Coast. Rien pour égaler la complexité des cuvées parcellaires du domaine, mais la signature d’élégance de Josh Jensen est manifeste et le vin, délicieux. (43 $)
Bon déni, santé !
Nadia Fournier
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