Les bons choix de Marc – Juillet 2016
Payez maintenant, savourez plus tard
par Marc Chapleau
Les Primeurs Bordeaux 2015 sont en vente. S’agit-il d’une bonne affaire, y a-t-il des deals à faire ? Non, pas vraiment. Devrait-on en acheter ? Oui.
Je me contredis, on dirait bien…
Voici le topo : 2015 a été une très bonne année, pas exceptionnelle, pas « 5 étoiles » comme le claironne la SAQ, mais proche tantôt de 2005 et tantôt de 2008, quand on n’y voit pas un 2001 en plus abouti, selon des producteurs que j’ai rencontrés là-bas en avril dernier. Les vins, dans l’ensemble, valent le débours, d’autant que Bordeaux, depuis quelques années, privilégie de plus en plus la fraîcheur, et de moins en moins le bois. La demande est forte, et les prix ne fléchissent pas, loin de là. Ces 2015, relativement tendres, quasi dépourvus de notes végétales, sont convoités.
Mais au-delà de ces constats, le problème avec les Primeurs, ces vins qu’on achète à l’avance et qui n’arriveront au Québec que dans deux ans, c’est que le jeu n’en vaut pas vraiment la chandelle, côté prix et économie.
Il faut verser aujourd’hui un acompte de 40 pour cent, et payer le solde à la réception des produits, en 2018. En principe, on s’attend au final à avoir bénéficié d’un escompte ; normal, puisqu’on aura immobilisé de l’argent deux ans de temps.
Le hic, c’est qu’il est souvent arrivé, dans le passé, que des amateurs n’ayant pas participé à cette vente puissent obtenir plus tard, des années après, les mêmes vins pour pratiquement le même prix !
Car pour la rareté évoquée par notre monopole, il faudra repasser : plusieurs châteaux produisent des centaines de milliers de bouteilles de chaque vin… Malgré la demande toujours élevée, malgré les Chinois, il en reste toujours de très bons à acheter, même longtemps après leur mise en marché.
Un exemple, un seul : j’ai personnellement mis la main, voilà quelques mois seulement, sur un excellent pessac-léognan rouge, le Château Latour-Martillac. Du millésime 2010 s’il vous plaît, une superbe année, aussi bonne sinon meilleure que 2015, en plus costaud. En prime, j’obtenais du vin avec cinq ans de vieillissement déjà dans le ventre, sans avoir eu à casquer d’acompte. Le prix : 55 $ la bouteille. (Et même un peu moins, parce qu’il a été acheté dans le cadre d’une vente avec rabais de 10 pour cent ; alors que les vins achetés en primeur ne donnent pas droit à ce type de promotion.)
Or le même Latour-Martillac, version 2015, est offert aujourd’hui en primeur pour exactement la même somme. Premier versement exigé dès maintenant, et on ne pourra palper la marchandise que dans deux ans.
Tout bien considéré, j’aurais dû acheter encore plus de 2010…
AU DIABLE, LA LOGIQUE !
Cela dit, je viens tout de même de commander des Latour-Martillac 2015, en rouge et en blanc. Ainsi que deux ou trois autres châteaux, parmi ceux qui offrent les meilleurs rapports qualité-prix : Haut-Marbuzet, Beau-Séjour Bécot, Fombrauge rouge, Phélan-Ségur, Vieux-Château Saint-André (29 $ seulement), Haut-Bages Libéral, Fieuzal rouge et blanc, Domaine de Chevalier rouge, Sociando-Mallet (évidemment !) et Branaire-Ducru.
Pourquoi avoir commandé, si le fameux deal n’en est pas un ?
Pour entretenir la flamme.
Pour pouvoir me bercer du fait qu’un bon jour, dans deux ans, je vais recevoir un courriel m’avisant que mes bordeaux 2015 sont arrivés.
Certes, j’aurai dû avancer une bonne somme pour me payer ce luxe, certes, j’aurais pu laisser faire et me rabattre sur d’autres choses, de très bons bordeaux de millésimes moins prestigieux, 2012, 2011, 2014 aussi. Ou oublier la Gironde et consacrer mon budget à l’achat de bourgognes, d’alsaces, de barolos, de superbes bouteilles du Jura, peut-être même une couple de caisses de vin nature, pourquoi pas…
J’aurais pu, c’est vrai. Sauf que là, c’est fait, on n’en parle plus, c’est passé sur ma carte de crédit.
Du bonheur en banque, quoi, on peut dire ça comme ça
P.-S. Côté sauternes, ne ratez pas Doisy-Daëne et aussi Coutet, offerts à bon prix. Climens est bien sûr excellent, ainsi que Lafaurie-Peyraguey. Allez-y pour des demi-bouteilles, si je puis me permettre, c’est bien assez et ça coûte pile-poil moitié moins cher.
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À boire, aubergiste !
Beni Di Batasiolo Langhe Rosso 2014 – Un très bon rapport qualité-prix, que ce Langhe Rosso pourtant légèrement sucré (3,5 g de résiduel). L’équilibre est là, le corps aussi, l’acidité, la masse de fruit.
Monasterio De Las Vinas Carinena 2010 – À bon prix (17,30 $), un rouge espagnol avec un bon cinq ans de vieillissement, assez tannique, pratiquement sec (2,5 g de résiduel), plutôt unidimensionnel mais généreux.
Bourgogne Pinot Noir Les Ursulines Boisset 2014 – Très bon bourgogne rouge d’entrée de gamme, bien typé, plutôt finement boisé (10 pour cent de fûts neufs), un caractère légèrement herbacé mais aussi un côté floral. Fraîcheur et gourmandise !
Domaine De La Borde Côte De Caillot Arbois-Pupillin 2014 – Finesse, vivacité, boisé bien intégré (fermentation en fûts), caractère très digeste, finale fumée et léger rancio qui enrobe l’ensemble. Prix (40 $) mérité.
Les Bois Chevaux Didier Erker Givry 1er Cru 2014 – Très bon bourgogne rouge de la côte chalonnaise à l’intense arôme de cerise auquel se greffe une très légère note de réduction, qui ajoute à son charme. Boisé discret, superbe acidité, corps moyen, longueur appréciable. À 29,30 $, une affaire !
Laroche Petit Chablis 2014 – Impeccable ! Bu après un Chablis Premier Cru Fourchaume, et n’a pas démérité. Un « Petit » Chablis de très bonne facture, nerveux et bien ciselé.
Domaine De Reuilly Les Pierres Plates 2013 – Typé sauvignon, herbacé mais sans excès, de la profondeur en bouche, un goût fumé, de pierre à fusil comme dans certains chablis, léger goût de fruit tropical, le vin est sec, par ailleurs. Et excellent !
Jean-Claude Boisset Bourgogne Aligoté Bio 2014 – Un aligoté impeccable, aux savoureux accents fumés, de la vivacité, peut-être même un peu d’acidité volatile qui ajoute à la fraîcheur. Subtile composante boisée (15 pour cent fût neuf) qui contribue à la complexité. À 25,55 $, un très bon rapport qualité-prix !
Bonpas Grande Réserve Des Challières Ventoux 2015 – À petit prix (13 $ et des poussières), un très bon rouge de la vallée du Rhône, fruité et épicé, sans sucre résiduel et bien pourvu en acidité. La fraîcheur est au rendez-vous, c’est dire, de même que la générosité.
Marc
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