Hors des sentiers battus avec Marc – Avril 2019
Je blogue, tu blogues…
par Marc Chapleau
Le confrère Marc-André Gagnon, de Vin Québec, en a récemment parlé : derrière certains blogueurs sur le vin et sûrement aussi la gastronomie, se cacheraient autant de petits malins, qui ont vite compris qu’il y avait là un juteux filon à exploiter.
En résumé, ces influenceurs nouveau genre au CV discutable ne mordraient pour rien au monde la main qui les dorlote — à savoir les producteurs eux-mêmes, leurs représentants, les agences de pub. Tout ou presque ce qui atterrit dans leur verre ou leur assiette est bon et mérite un coup de main, côté promotion.
Gratte mon dos, dit l’adage…
Gagnon donnait l’exemple édifiant d’une blogueuse qui s’est fait photographier en tenue coquine avec des bouteilles dans les bras, en minaudant devant tous ses abonnés combien elle avait hâte de goûter ces nouveaux vins que lui avait envoyés en guise d’échantillons commerciaux l’agence promotionnelle XYZ.
Ça m’a foutu un choc.
Parce que je la connais cette sommelière, à défaut de la suivre sur Instagram je la croise régulièrement dans des dégustations, elle m’a toujours semblé, comment dire… ok, en un sens inoffensive, sans malice.
Alors qu’elle est manifestement rusée comme un renard.
Pourquoi racole-t-elle ainsi ? Parce que vos bienfaiteurs nécessairement, après, vous aiment bien. Et rebelote, je t’envoie la semaine prochaine d’autres échantillons, le mois prochain on fait un gros repas dans un restaurant chic, tu pourrais d’ailleurs venir accompagné(e), pas de souci, ah et puis aussi, à l’automne, on organise un voyage dans le vignoble, bloque ces dates dans ton agenda si tu veux bien…
C’est la nature même de la bête, des réseaux sociaux, qui semble vouloir ça. Et les vignerons, leurs agents et même la SAQ, qui sont là pour vendre et faire parler d’eux, seraient bien fous de ne pas en profiter.
Un courant s’élève, cependant, pour que ces blogueurs et autres influenceurs de génération spontanée, nés de la dernière pluie, indiquent par exemple clairement, à l’avenir, que les vins qu’ils commentent leur ont été fournis gratuitement.
Comme ça, on prendrait leurs évaluations, leurs recommandations et tout ce qui sort en général de leur clavier avec un grain de sel.
Blogueurs et chroniqueurs, même constat ?
Mais… j’y pense, nous aussi, chroniqueurs de plus longue date, journalistes spécialisés, nous recevons des échantillons et des invitations sur une base régulière.
Des voix se sont d’ailleurs récemment élevées pour que nous aussi, chaque fois que nous recensons un vin qui nous a été donné, nous l’indiquions quelque part dans notre critique. Par souci de transparence, fait-on valoir.
Bon. D’accord. Divulgation complète, ici. Je me mets à nu, moi aussi.
Ainsi, tenez dorénavant pour acquis que je n’ai pas déboursé un sou pour la grande majorité des vins que j’ai commentés ou que je vais bientôt déguster.
Comme pour le critique de télévision à qui on présente une nouvelle émission, le critique de cinéma qui voit un film en visionnement de presse, le critique littéraire qui reçoit, parcourt et évalue l’avalanche de nouveautés qui paraissent chaque mois, les agents promotionnels québécois derrière la majorité des vins vendus à la SAQ nous font parvenir des échantillons, et nous invitent aussi, très souvent, à rencontrer un vigneron dans le cadre d’un repas-dégustation.
Par conséquent, suis-je parfaitement objectif quand moi-même j’évalue une bouteille donnée ?
Non.
Moralité : comme pour l’emplacement dans l’immobilier, tout ici est affaire de confiance, confiance, confiance.
Autrement dit, si je goûte un vin et que je le recommande, pas de bol, vous devez vous fier à ma seule parole.
Ne pas penser à l’amont – comment s’est-il procuré cette bouteille ? ce type-là, l’agent promotionnel, il ne serait pas copain avec son beau-frère ? et le vigneron en question, n’est-il pas de notoriété publique qu’il distribue aux médias des tire-bouchons et autres cossins à tout va ?
Et, ergo, se concentrer sur l’aval : ai-je été déçu jusqu’ici par les recommandations du chroniqueur en question ? mon goût est-il passablement aligné sur le sien ?
Tout ça pour dire que même si je posais en nuisette derrière de beaux flacons en vous lançant un clin d’oeil lubrique, j’ose croire que vous continueriez à m’accorder de la crédibilité.
Sinon, eh bien chers amis, voilà plus de trois décennies que je vous mène en bateau et que notre apparente bonne intelligence n’est que faux-semblant.
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À BOIRE, AUBERGISTE !
Les grands mots, tout de suite ! Je vous entends dire d’ici – du moins je l’espère – qu’à me voir aller depuis tout ce temps, difficile de croire que j’aie pu être acheté.
Une intégrité gagnée de haute lutte, sachez-le, puisque je combats ces bas instincts tous les jours, à chaque bouteille que je débouche…
Balivernes.
Profiter du système ne me dérange pas vraiment. La preuve, ces bons achats que je vous recommande et qui ne m’ont sauf un ou deux rien coûté, alors que vous, vous allez devoir casquer pour les essayer.
Il est bien là, le drame.
Santé, groupe !
San Felice Il Grigio Chianti Classico Riserva 2015 – Rouge toscan d’excellente facture, généreux et tendu, un brin acidulé et animal aussi, un soupçon d’acidité volatile qui vient jazzer le tout. Franchement, à 26,55 $, toute une affaire !
Hugel Gentil 2017 – À moins de 17 $, un très bon blanc alsacien, fruité et parfumé sans être racoleur ni sucré (enfin, juste un peu, avec un résiduel de 3,8 g). Équilibre et fraîcheur de l’ensemble, par ailleurs floral et anisé. Par ici le saumon et les crevettes à toutes les sauces, notamment asiatique.
Viña Real Crianza 2015 – Très bon rioja d’entrée de gamme, à la fois fruité et acidulé, pas trop boisé, aux saveurs mi-corsées. Prix attractif (moins de 16 $) et caractère plutôt passe-partout, à table.
Bouchard Père & Fils Réserve 2017 – Excellent rapport qualité-prix que ce bourgogne blanc d’entrée de gamme, à la fois fruité et floral, nerveux, bien soutenu par son acidité et sans boisé intempestif. Finale épicée et citronnée, toute en fraîcheur.
Aloïs Lageder Cantina Riff Piot Grigio 2017 – Pinot grigio délicatement parfumé, aux saveurs légères, enrobées et bien ciselées, tout à fait sec par ailleurs et vraiment pas cher.
Domaine d’Élise Petit Chablis 2017 – Toujours aussi bon, ce chablis pas si « Petit » (c’est l’appellation), bien typé, ça sent agréablement la laine mouillée, il y a là de la tension, du coffre et du gras en prime. Pas donné, à près de 26 $, mais la qualité y est.
Joseph Mellot La Chatellenie Sancerre 2017 – Très bon sancerre à la fois nerveux et enrobé, avec du gras c’est dire. Le caractère sauvignonné est présent, sans être intempestif, on devine le terroir derrière.
Yalumba The Y Series Riesling 2017 – Très bon riesling à la fois acidulé (et en cela bien typé) et généreux, reflétant ainsi ses origines australiennes. Peu de résiduel, un caractère bien sec et un soupçon de gaz carbonique, pour aviver le tout. Prix attractif.
Perdera Argiolas Monica Di Sardegna 2016 – Pointe d’acidité volatile dans ce rouge de Sardaigne par ailleurs très satisfaisant, assez corsé, bien concentré, avec des notes épicées et une acidité qui tient le tout, du début à la fin. Bon rapport qualité-prix.
Sella & Mosca Terre Rare Carignano Del Sulcis Riserva 2014 – Complexité d’emblée au nez, le cuir, le fruit noir bien mûr, les épices ; la bouche suit, l’ensemble est relativement évolué, c’est à la fois généreux et bien tendu, l’acidité est notable – et appréciée. À moins de 24 $, un excellent rapport qualité-prix !
Domaine Philippe Gilbert Menetou Salon 2017 – L’autre pinot, pour ainsi dire, celui, noir, cultivé et vinifié dans la Loire, pas loin de Sancerre : coloré, poivré, vif et minéral, avec une savoureuse astringence. Encore bien jeune, celui-ci gagnerait sûrement à reposer quelques années au cellier. Pour mémoire : vignoble conduit en biodynamie
Les Laquets Cahors 2015 – Excellent cahors bio, à la fois généreux et superbement tendu, bien soutenu par son acidité tandis que le fruit est bien présent. Saveurs précises, minéralité, droiture de l’ensemble. À environ 35 $, on n’est pas très loin du grand vin…
Marc
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