Trop facile !
Hors des sentiers battus
par Marc Chapleau
Le critique de vin est quelqu’un de bien compliqué.
Un vin est-il très bon, descend-il dans le gosier comme une lettre à la poste, que… non, il y a sûrement anguille sous roche.
Trop facile, trop charmeur, trop coulant – pas question, se dit alors le censeur, de tomber dans le panneau. Si ce vin plaît ainsi d’emblée, c’est qu’il manque nécessairement de quelque chose de songé – de profondeur, disons.
Pauvre critique, qui a pour métier – que dis-je, pour raison d’être – de chercher le trouble, la petite bête noire…
Alors que, lorsqu’une bouteille se vide en criant ciseau et que le vin nous a semblé bon tout du long, c’est que le chenapan est intéressant, il n’y a pas à chipoter.
Exemple : le Mommessin Grandes Mises Beaujolais-Villages 2015, souple et gourmand, qui se boit à lampées – malgré ses 14 pour cent d’alcool et sa lourde bouteille empreinte de carbone… À moins de 20 $, une affaire !
Autre vin convivial et accommodant, le Domaine la Montagnette Signargues 2016, à seulement 16,40 $. Un côtes-du-rhône bourré de fruit mais pas juste cela : la profondeur est là, un reste de gaz carbonique aussi qui avive les saveurs, des odeurs de réglisse et de framboise. Les saveurs sont par ailleurs corsées, à la fois généreuses et très bien servies par l’acidité et les tannins modérés. LE rapport qualité-prix de l’été, en rouge ? J’ai bien peur que oui…
Et la liste des tout-cuits-dans-le-bec pourrait s’allonger, par exemple avec le Cantina del Taburno Fidelis 2013, rouge de Campanie (au milieu du tibia de la botte italienne, si l’on peut dire une telle chose) composé d’aglianico à 90 % puis de merlot et de sangiovese à parts égales. Cuir au premier nez, puis la mûre – ou la framboise noire ? – prend le relais, en bouche c’est mi-corsé, rond, rafraîchissant, avec une agréable pointe fumée en finale. Un peu plus cher que les deux précédents, à 22,10 $, mais un très bon rapport qualité-prix tout de même.
Toujours dans la veine des bons vins sans chichi, le Domaine de la Baume Les Mariés Sauvignon Blanc 2015 surprend agréablement, le fait qu’il vienne du Languedoc gommant le caractère souvent trop herbacé du cépage – le climat plus chaud que dans la Loire, par exemple, aide les raisins à mûrir plus à fond. Autrement, le vin est sec et plutôt corsé, plus puissant qu’élégant mais très satisfaisant.
Soyons sérieux
Cela dit, il y aussi des vins plus « sérieux », sur le marché. Avec des prix, souvent, à l’avenant. Mais hé ! on n’a rien pour rien dans c’te vie.
Premier cas de figure, l’excellent Domaine Faiveley Mercurey La Framboisière 2014. Typé pinot noir au nez, de belle façon qui plus est, en finesse ; saveurs profondes et fruitées, peu corsées par ailleurs, épicées et d’une bonne fraîcheur. Trente-six dollars – eh oui. N.B. Tout distingué soit-il, ce mercurey se boit aisément à gorge déployée – juste à se garder une petite gêne, si jamais quelqu’un vous voyait vous empiffrer.
En mousseux maintenant, j’ai bien aimé le Parès Balta Blanca Cusine 2010, un cava espagnol bio, coloré, boisé et brioché, qui sent bon l’olive verte. Du nerf et de la profondeur, ainsi qu’une sympathique rusticité. Prix assez costaud – 35 $ –, mais mérité.
Enfin, du Languedoc, le rouge bio Vignoble du Loup Blanc Les Trois P’tits C 2013 est marqué par la réduction au premier nez et il se révèle davantage en bouche, avec un peu plus de fruit mais surtout une bonne texture et de la concentration – tout ça sans être dépourvu d’une certaine élégance. À carafer une couple d’heures à l’avance, de préférence.
Bonnes dégustations !
Marc
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