Mon Hellène, Mon Hellène !
Profil grec
par Marc Chapleau
Peu importe de quel côté on aborde la question grecque, peu importe si on préfère les blancs, ou si on a un faible plutôt pour ses rouges, un fait demeure : les vins du pays représentent souvent un bon rapport qualité-prix – et même plus encore, dans le cas des meilleures offrandes.
L’offre grecque, répétons-le, est d’autant plus alléchante que les immuables cépages internationaux — les cabernet, chardonnay et merlot de ce monde — n’y ont pratiquement pas droit de cité.
C’est dire qu’on se régale de domaines et de cépages qu’on ne connaît, parfois, ni des lèvres ni des dents. Sans compter que côté prononciation, ce n’est pas toujours de la tarte non plus…
N’empêche que comme consommateurs, nous répondons présents. Ainsi, les ventes de vins grecs ne cessent de monter, non seulement au Québec mais aussi ailleurs au Canada. Elles ont augmenté de 66 pour cent depuis 2010, selon le service économique de l’ambassade de Grèce à Ottawa, et de 7,5 pour cent jusqu’ici en 2017, alors que nous ne sommes qu’à la mi-année.
À la SAQ, l’an dernier à pareille date on dénombrait une soixantaine de vins grecs sur le site du monopole ; alors qu’aujourd’hui, ce nombre s’élève à environ 75.
Bien sûr, c’est encore peu par rapport aux 4 010 vins français et aux 1 399 vins italiens vendus par la SAQ. Mais cela progresse, lentement mais sûrement. D’autant que la consommation locale, là-bas en Grèce, est en chute ; les producteurs n’ont pas le choix que de se tourner vers l’exportation et d’élaborer des vins qui répondent au profil et aux exigences qualitatives des consommateurs du nord de l’Europe et de l’Amérique du Nord, par exemple.
Le paradoxe grec
Le pays est tout au sud de l’Europe, si bien que l’on serait en droit de s’attendre à des vins de type méridional, assez corsés, riches, chargés en alcool.
Or le portrait est tout autre. Et l’acidité, dans la plupart des vins, est notable, marquée même, souvent. Selon certains, cela est en partie dû au fait que le pays est très montagneux et très rocheux, bourré de calcaire, de schiste (d’ardoise, par exemple) et de roches volcaniques. Ajoutons à cela les plantations en altitude, de plus en plus fréquentes
Les principaux cépages
En blanc, l’assyrtiko (notamment celui de Santorini, qui donne des vins secs et tranchants), le muscat (dont celui de Samos et de Patras, encore perfectibles bien que le rapport qualité-prix soit indéniable), le roditis (les meilleurs ont des notes de fleurs et d’agrumes, ainsi qu’une solide trame acide), le moschofilero (qui n’est pas sans rappeler le pinot gris et le muscat) et le savatiano (moins nerveux, plus parfumé).
En rouge, retenons ici le xynomavro (qui donne des rouges acidulés et épicés, évoquant les vins du Piémont à base de nebbiolo) et l’agiorgitiko (sorte de merlot grec, aux tannins ronds et au fruité marqué).
Plusieurs bonnes bouteilles à la saq
L’équipe de Chacun son vin a goûté au début du mois à une vingtaine de vins grecs présentement en vente à la SAQ.
Ci-dessous, ceux que j’ai personnellement retenus.
Kir-Yianni Paranga 2015 – Violacé, notes de cuir, reste de gaz carbonique, saveurs peu corsées, également relevées par l’acidité. Bon rouge passe-partout, pour les charcuteries et la pizza par exemple, un peu comme pour les beaujolais. Bon rapport qualité-prix.
Domaine Thymiopoulos Jeunes Vignes, Naoussa, 2015 – Rouge pâle au pourtour orangé, fraîcheur au nez, saveurs légères, rehaussées par un soupçon d’acidité volatile, bon équilibre et bonne persistance.
Domaine Gerovassiliou, Rouge, VDP Epanomi 2015 – Moka au premier nez, assez intense par ailleurs comme arôme ; le fruit est plus évident en bouche cependant que l’impression boisée demeure. Des accents bordelais – avec le mariage fruit-bois – et une certaine élégance, ainsi qu’une fraîcheur certaine.
Domaine Tetramythos, Roditis, Patras 2016 – Ampleur et fraîcheur, et de la profondeur, qui plus est. Notes fumées en finale. Vraiment bon. Et à moins de 15 $, une aubaine.
Domaine Gerovassiliou, Kitma, VDP Epanomi 2016 – Fraîcheur, vivacité, équilibre, persistance. Assez de corps par ailleurs, de l’autorité. Notes salines en finale.Très bon blanc grec à boire pour lui-même, à l’apéro, ou à marier, à table, avec du poulet au citron, des pétoncles, etc.
Domaine Tetramythos, Malagousia, Patras 2015 – Bon blanc de la région de Patras, assez riche, bien soutenu par son acidité, avec des notes, au nez, rappelant la retsina (odeur de résine, de gomme de sapin). Impression globale sur la fraîcheur.
Domaine Papagiannakos, Malagouzia, Kalogeri 2015 – De prime abord, impression diffuse, pas convaincante ; j’avoue que, avec un peu d’aération, des notes évoquant le viognier se font jour, un côté viandé et rose fanée. Profondeur manifeste. À carafer plusieurs heures à l’avance. Pour mémoire : le vin est encore impeccable après quatre jours dans le frigo. entamé d’une bonne moitié, et simplement rebouché. [Nadia et Bill, vous aviez raison, collègues, s’agissait seulement d’être patient !]
Domaine Argyros, Cyclades, Atlantis 2016 – Bon blanc avec du soufre au premier nez, qui se dissipe après quelques minutes cependant. Autrement, le vin est ample et frais, avec une bonne acidité et un bon équilibre.
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