Les bons achats de Marc – Février 2017
Chablis, baby !
par Marc Chapleau
Je viens de rédiger un article sur le chablis pour le magazine Exquis, à paraître ce printemps — pile-poil le 21 mars, m’apprend-on. Je dis « un article » alors que c’est plutôt d’un panégyrique dont il s’agit, d’un véritable éloge, avec juste ce qu’il faut de retenue.
Je suis, en effet, un fan fini du chablis. Au point où le monde qui vient manger à la maison doit sûrement se donner un coup de coude, avant de frapper à la porte : « Checke ben, ça fera pas quinze minutes qu’on est là que Chapleau va nous sortir un Fèvre ou un Raveneau de son chapeau… »
D’abord c’est faux, j’essaie de varier mes offrandes. Du reste avec la même application que mes choix de repas, toujours hanté par cette satanée impression d’avoir déjà servi tel ou tel plat à tel ou tel invité.
Et puis rebelote my friend, je n’ai pas, hélas, de superbes chablis de chez Raveneau, vendus comme on sait au compte-gouttes, en importation sinon privée, du moins très très limitée.
Vrai, cependant, que si l’on me condamnait à choisir un vin, un seul, à boire pour le restant de mes jours, ce serait ce damné chardonnay cultivé sur ces foutus de sols de kimméridgien autour de la ville d’Auxerre, au nord de la Bourgogne.
J’ai l’air de fulminer. Je ne fais pourtant que secouer le cocotier, me demandant moi-même comment il se fait, bordel, que j’aime tant ça.
Je raconte dans Exquis, et il serait malvenu de le répéter ici. Pas question de vous faire languir pour autant ; plus bas, dans mes suggestions de bons achats, j’ai mis plusieurs très beaux chablis, à divers prix. Aimez-les, aimez-moi. Enfin, quelque chose comme ça…
In vino veritas : un seul verre (d’accord, peut-être deux), et ma parole vous serez conquis vous aussi. Ou bien vous vous demanderez quelle mouche m’a piqué, c’est vrai que c’est bon, peu boisé, vif et bien sec, mais de là à perdre la tête comme ça…
Le Vignoble du Ruisseau
Parlant de chablis, j’ose un lien avec le vin québécois. Pas qu’on fasse aussi bon que là-bas (n’exagérons rien), mais parce que le Vignoble du Ruisseau, le petit nouveau de Dunham, parie lui aussi résolument sur la fraîcheur, au propre comme au figuré.
Premièrement, il faut aller voir les installations imaginées par l’entrepreneur en construction Normand Lamoureux et sa fille, Sara. L’impression d’être dans le Niagara, tant on n’a pas lésiné (avec goût) sur l’architecture, les matériaux et les moyens de vinification. Des investissements qui dépasseraient les dix millions de dollars. Du jamais vu au Québec, sauf erreur. Sans compter la géothermie et la culture sous tunnel protecteur contre le gel, quasi en serre.
Et que des viniferas ici, s’il vous plaît. Que des chardonnays, rieslings, pinots noirs et gewurztraminer, entre autres. Jusqu’à du cabernet-sauvignon, rien de moins ! Seule concession à la québécitude : le cépage vidal, un hybride cultivé pour un futur vin de glace.
J’ai fait le tour du propriétaire la semaine dernière, en compagnie de Sara Gaston, de son conjoint Jonathan Gauvin et de leur oenologue français formé à Toulouse et en Alsace, Jérémie Diesel.
Ce que j’ai goûté, surtout en blanc, m’a bien plu : un peu comme à Chablis et comme plutôt rarement au Québec, on use du bois avec parcimonie, pour épicer le vin et l’aider à respirer, et non le matraquer.
Les vignes sont jeunes — l’inauguration officielle des installations n’aura d’ailleurs qu’en mai prochain —, les vins n’ont pas encore cette concentration et cette profondeur qui leur procurent texture et dimension supplémentaire, mais la signature se sent, déjà : fraîcheur et élégance.
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À boire, aubergiste !
Je n’ai pu, faute d’espace, recommander tous les chablis que je voulais dans mon autre article. Je me reprends ici, avec ces quelques belles bouteilles.
Jean Marc Brocard Chablis Les « Vieilles Vignes de Sainte Claire » 2015 — Excellent chablis, bien typé pierre à fusil, avec des accents grillés-fumés assez intenses, vif et avec du gras, de la générosité. Bonne persistance par ailleurs. [29,95 $]
La Chablisienne Chablis Premier Cru « Grande Cuvée » 2014 — Convaincant chablis premier cru « générique », issu d’un assemblage de premiers crus, pierre à fusil au nez, belle acidité, de légères notes boisées apparaissent en finale. [29,05 $]
Jean-Marc Brocard Chablis Premier Cru Vau de Vey 2014 — Beau chablis, riche et bien typé, avec des notes de silex, de la nervosité (l’acidité), de la tension. Excellente persistance, par ailleurs. [31,25 $]
Domaine William Fèvre Chablis Premier cru Les Lys 2014 — Un peu de réduction au premier nez, des notes de silex, richesse, équilibre, tension, tout est là, encore une fois, Fèvre impressionne. À carafer ou à attendre deux ou trois ans. Grand vin. [51,75 $]
Albert Bichot Chablis Grand Cru Les Clos Domaine Long-Depaquit 2010 — Notes oxydatives en bouche, le fenouil, le céleri et les agrumes au premier nez, richesse et vivacité, commence à mieller, des notes de silex en finale. Superbe bouteille, quasi à point déjà. [71,50 $]
Château de Maligny Premier Cru Fourchaume 2015 — L’anis et du fruit tropical au premier nez ; en bouche, le vin a du gras et un certain éclat, avec une finale sur le tabac blond qui fait écho au chardonnay à partir duquel il est élaboré. Très bonne acidité sous-jacente, tout du long. [36,50 $]
Jean-Marc Brocard Jurassique Chardonnay Bourgogne 2014 — Pas vraiment un chablis mais proche… Odeur d’arachide, nervosité, peu de bois, de la fraîcheur, un peu de minéralité. Finale légèrement « sucrée » (2,6 g), évoquant le fruit mûr. Très ok. [22,35 $]
Deux rouges, à présent.
Finca Flichman Malbec Roble 2016 — À tout petit prix, un malbec argentin de bonne tenue, relativement acidulé et plaise au ciel non sucré (!). Cela dit, le vin est assez corsé et peu alcoolisé, plutôt digeste c’est dire. Remarquable rapport qualité-prix. [9,65 $]
Vina Ijalba Rioja Reserva 2012 — Un rioja de très belle facture, intelligemment boisé (moitié chêne américain, moitié chêne français), qui sent bon les épices et l’herbe froissée, au nez. En bouche, le vin est mi-corsé et relativement acidulé, aucune lourdeur, beaucoup de fraîcheur et même une certaine élégance. [21,35 $]
Et pour finir un très bon blanc, relativement corsé, à ouvrir par exemple sur des fromages, en fin de repas.
Guigal Côtes-Du-Rhône Blanc 2015 — Impeccable, égal à lui-même, aromatique (60 pour cent de viognier) mais sans exagération, assez corsé par ailleurs, de la richesse, un soupçon de gaz carbonique (m’a-t-il semblé) qui avive les saveurs. [19,75 $]
Marc
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