Je note !
Hors des sentiers battus
par Marc Chapleau
Oui, je note — comme dit dans la publicité la petite boulotte.
Je donne un score, un pointage sur 100, aux vins que je déguste notamment ici, pour vous. Depuis longtemps mais pas depuis tout le temps ; à l’époque du journal Voir par exemple, dans les années 1990, je m’en abstenais.
Pourquoi avoir changé d’idée ? Difficile à dire. J’ai commencé à scorer, pour ainsi dire, à mon arrivée à La Barrique. Ça se faisait déjà dans ce magazine, sauf erreur, et je me suis volontiers prêté au jeu, sans rechigner.
Car je ne trouve pas, comme certains, que le vin est quelque chose de trop subjectif et de trop noble pour le réduire à une simple note. On le fait bien pour les films, pour les romans, les voitures, les restaurants.
Enfin oui, c’est vrai, jamais une note ne reflètera vraiment le goût du vin, ses odeurs, sa texture.
Et oui, encore, c’est vrai que l’écrit, le commentaire, en dit souvent beaucoup plus que la simple note – qu’elle soit sur 100, sur 20 ou sur une échelle de 1 à 5 étoiles.
Mais pas toujours.
Il m’arrive ainsi, perso, de tourner autour du pot, de trouver ceci ou cela à une bouteille donnée mais sans trop savoir comment tourner mon commentaire, comment dire les choses. Parfois, cela arrive, je m’en confesse, c’est pour ménager d’éventuelles susceptibilités.
Dans ces cas-là, ne m’écoutez pas, ne vous fiez pas à mes palabres : allez voir le score directement, il voudra tout dire.
NOTER, C’EST COMMUNIQUER
La note est d’ailleurs là pour ça. Pour résumer l’impression globale — la seule qui compte, au fond — en moins de deux. Et c’est pour cette raison, également, que cette note doit être dans l’absolu sinon elle rime à très peu de choses.
J’ai donné 85 à un vin, et le prix est de 55 $ ? La messe est dite : il s’agit d’un bon « petit » vin, n’en attendez pas le nirvana et surtout, à ce prix-là, pensez-y au moins cinquante-cinq fois avant d’acheter.
Je note 90 un vin qui s’avère, qui plus est, vendu seulement 20 $ ? Ne perdez pas de temps à me lire, même si j’écris très bien : courez en acheter une caisse !
Pourquoi alors certains refusent-ils de donner une note aux vins dont il parle dans leurs chroniques ?
Bonne question. C’est leur choix — et leur prérogative, c’est certain.
Maintenant, qui, quel consommateur vivant dans le monde pressé d’aujourd’hui, se plaindrait de pouvoir compter, en plus d’un commentaire écrit bien senti, sur ce type d’indication ?
À boire, aubergiste
Bon, cela dit, l’idéal demeure de noter ET de commenter les vins d’un même souffle, pour donner un portrait complet. Ce que font la plupart d’entre nous, notamment ici, sur Chacun son Vin.
En temps normal, seuls les membres Privilège peuvent voir les notes que nous mettons aux vins, sur notre site. Une fois n’est pas coutume : vous les trouverez exceptionnellement ci-dessous, sujet de la présente chronique oblige.
Bodegas Castano Solanera Vina Viejas Yecla 2013 — Un très bon rouge espagnol à base de mourvèdre (70 pour cent), auquel s’ajoutent à parts égales du cabernet sauvignon et du grenache. Puissant fruité et épicé, et à la texture relativement dense et serrée. À servir avec une viande rouge grillée. 20,15 $ — 88 %
Casa Silva Reserva Carmenère Colchagua 2013 — Difficile de se tromper au nez, on est vraiment dans la famille des cabernets, avec des notes herbacées et de cendrier froid — d’âtre refroidi. Fraîcheur en bouche, bon fruit, alcool en bride, pas de sucre apparent. À 15 $, une excellente affaire ! — 88 %
Fontanafredda Barolo 2011 — Étiquette plutôt quelconque, vieillotte, mais contenu ô combien satisfaisant ! Un barolo de facture moderne à la fois typé, relativement astringent entre autres, mais avec aussi un minimum de chair. La cerise, le tabac, de l’amertume en finale. À tout juste moins de 30 $, à ne pas manquer ! — 91 % (pas de niaisage, c’est dire, achetez !)
Don Pascual Viognier Reserve 2015 — Un bon viognier urugayen, assez aromatique — l’abricot —, corsé en bouche mais aussi rafraîchissant et pratiquement sec. À 15,45 $, un très bon rapport qualité-prix. Accord gourmand : avec les ris de veau, suggère le producteur, ce qui me semble une excellente idée ! — 87 %
Robert Mondavi Napa Valley Cabernet Sauvignon 2013 — C’est rendu que je vois 15 % d’alcool sur une étiquette de vin californien et que je me réjouis : au moins, cela risque moins d’être doucereux, tous les sucres ou presque auront fermenté. Or c’est à peu de choses près le cas, le vin est corsé, généreux, mais bien structuré, avec de bons tannins et une certaine fraîcheur. La belle Californie ! Prix (34,75 $) bien mérité. — 90 %
Saint Clair Marlborough Premium Sauvignon Blanc 2015 — Impeccable ! Et très typé sauvignon de Nouvelle-Zélande, avec ses intenses notes de pamplemousse rose, son acidité marquée, son reste de gaz carbonique aussi. Tout simple, pratiquement sec (3,9 g) et diablement efficace. 21,90 $ — 88 %
Listel Rosé Sable De Camargue 2015 — Couleur orangée pâle – on dirait un « vin orange » -, des notes végétales (pas déplaisantes) au nez, un caractère moyennement corsé, pas de sucre résiduel apparent (pourtant il y en a 4,5 g), une bonne texture relativement grasse, de l’acidité. À 13,10 $, un bon achat ! — 85 %
Tavel Famille Perrin 2015 — Savoureux tavel, plus corsé qu’un côtes-de-provence rosé mais avec autant de fraîcheur et une belle longueur. Bravo aux Perrin ! 21,95 $ — 89 %
Domaine Sébastien Brunet Vouvray Méthode Traditionnelle Brut 2013 — Finement miellé (le chenin) au nez et saveurs à l’avenant, amples et rafraîchissantes, passablement élégantes aussi — fines, même. L’un des meilleurs vouvrays mousseux qu’il m’ait été donné de goûter ces dernières années. 24,30 $ — 90 %
Duval-Leroy Brut Rosé — Avec sinon l’été du moins le vrai printemps qui se montre le bout du nez, terminons avec un champagne rosé, très cher, 87 $ mais vraiment très très bon, finement brioché, épicé, nerveux, long en bouche. Miam ! — 92 %
Marc
P.S. Une autre fois, on parlera du fait que la notation, par exemple dans l’échelle sur 100, se limite en réalité à donner entre 85 et 90 à la très grande majorité des vins…
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