Les bons choix de Nadia – Février 2016
De grands terroirs sous-estimés
par Nadia Fournier
Le monde du vin est vaste. De plus en plus vaste. L’année dernière, on recensait une soixantaine de pays producteurs. La France, l’Italie, les États-Unis et l’Espagne dans le peloton de tête; la Lettonie, le Kyrgyzstan et le Zimbabwe comme bons derniers.
Le Zimbabwe, quand même!
Malgré cette apparente diversité, j’ai l’impression de vous parler sans cesse des mêmes appellations, des mêmes vins. Évidemment, on ne peut réinventer la roue – qu’elle ait trois ou quatre boutons – à chaque chronique. Puis, comme notre travail consiste avant tout à vous guider dans vos achats, nos recommandations sont tributaires de l’offre à la SAQ.
La sélection du Cellier du mois de février, par exemple, est somme toute assez conservatrice. Outre quelques exceptions, l’offre se résume aux régions européennes classiques : Bordeaux, Madiran, Cahors, Sancerre, Barolo, Rioja, Douro et quelques vins de Toscane. Cela dit, bien que peu novatrice, la sélection compte de très bons achats, tous commentés plus bas.
Mais pour être certaine de ne pas vous laisser sur votre soif, je vous donne en prime quelques suggestions de vins abordables qui proviennent de régions encore trop souvent sous-estimées, sinon snobées.
À la vôtre!
Dão, Portugal
Avec les investissements soutenus dont elle bénéficie depuis une vingtaine d’années, cette région qui a beaucoup souffert du monopole de coopératives instauré sous la dictature, est en voie de réhabilitation. Si les vins de table du Douro ont été la révélation portugaise des années 1990, ceux du Dão pourraient d’ailleurs être celle de la présente décennie.
Au Portugal, on entend souvent dire que les vins du Dão empruntent certains traits caractéristiques à ceux de la Bourgogne ou du Beaujolais. Fruité et goulayant, doté d’une certaine mâche tannique, tout en conservant une immense « buvabilité ». Le cépage touriga nacional n’a pourtant rien en commun avec le pinot noir ou le gamay et donne plutôt des vins puissants et tanniques dans le Douro. Mais sur les sols de granit du Dão, où il profite autant de la fraîcheur de l’océan atlantique que de celle des montagnes, il est la source de vins élégants et tout en nuances, comme le Quinta das Maias 2012, ou le Duque de Viseu 2013. Tous deux vendus sous la barre des 20 $.
Muscadet, France
Depuis une dizaine d’années, les vins du Muscadet sont enfin sortis des limbes. grâce au travail d’une poignée de vignerons qui ont redonné leurs lettres de noblesse à ces vignobles situés au sud-est de Nantes. La région en avait grand besoin : le muscadet est sans doute l’un des vins blancs dont la réputation a le plus souffert de la vague industrielle qui a régné sur plusieurs vignobles de France après la seconde moitié du 20e siècle.
Soumis à des rendements immenses, le cépage local melon de bourgogne n’a longtemps donné que de petits vins vif et sans âme. Le muscadet constitue une excellente alternative économique pour les amateurs de vins blancs secs, non-boisés et désaltérant comme ceux de Chablis. Ses notes salines et minérales évoquent tantôt les coquilles d’huîtres, tantôt l’odeur de cailloux chauffés au soleil.
Les meilleurs vins de l’appellation peuvent aussi reposer en cave pendant une bonne dizaine d’années. Ils acquièrent alors des arômes des notes d’hydrocarbures et de cire d’abeille qui rappellent de vieux rieslings.
Guy Bossard (Domaine de l’Écu) a été l’un des premiers vignerons à redynamiser le Muscadet. Évoluant à contrecourant, il a en converti à l’agriculture biologique dès 1975, le domaine familial aujourd’hui géré de façon tout aussi rigoureuse par Fréderic Niger Van Herck. La cuvée Granite 2013 est l’un des beaux exemples du genre à la SAQ.
Maule, Chili
Ce qui se passe en ce moment dans le vignoble chilien est fascinant. Un vent de renouveau souffle sur le pays depuis quelques années, entrainant sur son passage de nouvelles générations de vignerons. Rien à voir cependant avec la révolution technologique et oenologique qui avait permis de moderniser les méthodes de vinification dans les années 1980 et d’accroitre la concentration. Certains vous diront qu’il s’agit plutôt d’un retour en arrière : des raisins cueillis moins mûrs, moins d’interventions au chai et aussi moins de bois neuf.
Frappés par la sècheresse dans les régions viticoles les plus septentrionales, plusieurs acteurs importants de l’industrie viticole chilienne manifestent un intérêt croissant pour les régions de Maule et d’Itata. Les cépages carignan, cinsault et país – dont plusieurs vignes centenaires qui abondent dans ce secteur – sont maintenant pris au sérieux et donnent des vins aussi authentiques que délicieux.
Élaboré par Pedro Parra, chasseur de terroir et ambassadeur du renouveau chilien, le Clos des Fous Cauquenina 2013 est l’archétype du vrai vin de terroir. Issu de vignes âgées de 80 ans en moyenne (carignan, malbec, syrah, país, cinsault et carmenère) il évoque autant la terre que du fruit, par ses parfums de feuilles mortes et ses tanins un peu granuleux.
Les riesling allemands… secs!
Malgré la croyance populaire, tous les rieslings germaniques ne sont pas doux. À visiter les régions viticoles d’Allemagne, on pourrait même croire que les rieslings demi-secs sont une espèce menacée. Depuis une bonne trentaine d’années, les Allemands ont largement adopté les vins secs, dépourvus de sucre résiduel, au détriment de tout autre style de vin. En fait, la survie des riesling demi-sec tel qu’on les connait repose essentiellement sur la demande des acheteurs étrangers.
Au 19e siècle, les vins germaniques étaient plus secs que ceux de France et titraient jusqu’à 12,5 % d’alcool. Ce n’est qu’après la Première guerre mondiale que les vins ont commencé à évoluer vers un style demi-sec. Pour des raisons financières, les entreprises viticoles ont été contraintes d’accélérer le processus des vinifications. Ainsi, plutôt que de laisser le sucre présent dans le moût de raisins se transformer complétement en alcool – ce qui pouvait prendre un an voire plus, si la température extérieure ralentissait l’action des levures – plusieurs ont entrepris de bloquer la fermentation au printemps, lorsque les vins avaient encore une généreuse quantité de sucre résiduel. Ils pouvaient alors mettre le vin en bouteilles dès l’été et l’expédier avant la prochaine vendange.
Pour redécouvrir le riesling allemand sur un mode sec, vif et tranchant, goûtez le Riesling Trocken 2014 de la maison Kerpen, produit sur les des coteaux vertigineux du cru Wehlener Sonnenuhr, dans la Mittelmosel. Qu’un vin apte à vieillir et provenant d’un des plus grands terroirs viticoles de la planète coûte moins de 25 $ devrait suffire à vous convaincre de l’essayer.
Cellier – Février
En rafale, mes coups de cœur parmi les vins qui ont été mis en marché les 4 et 18 février dans le cadre du lancement du dernier Cellier. Pour consulter la liste complète des vins du dernier arrivage, commentés par Marc Chapleau, Bill Zacharkiw et moi, cliquez ICI.
Le Château Cormeil-Figeac, propriété de la famille Moreaud, fait face aux châteaux Figeac et Cheval-Blanc, à Saint-Émilion. En 2010, Coraline et Victor ont produit un vin harmonieux, franc et net, qui marie la rondeur du merlot à la vivacité du cabernet franc, avec un esprit de dépouillement qui fait le charme des bons bordeaux classiques. (38 $)
Le Péraclos 2010, Montagne Saint-Émilion offre une interprétation ambitieuse de ce terroir secondaire de la rive-droite. Encore jeune et marqué par l’élevage; compact et conçu pour plaire aux amateurs de vins costauds. (19,95 $) Nettement plus rond et accessible dès aujourd’hui, le Bordeaux 2010 de Michel Rolland est l’expression même d’un merlot mûr, gorgé de saveurs confites et porté par des tanins rond. (21,60 $) Dans le même registre, le Château La Fleur Pourret, Saint-Émilion grand cru 2009 affiche la générosité caractéristique du millésime. Le vin est cependant tissé de tanins assez fermes et n’accuse aucune lourdeur en bouche. (31 $)
Bon vin de Cahors issu à 100 % de malbec, le Château Cénac, Cahors 2011, Cuvée Prestige s’avère plus aromatique que concentré ou puissant. Droit et assez bien tourné. (17,50 $)
Dans le Piémont, Sergio Germano élabore des vins de facture moderne, qui mettent à contribution les barriques neuves. Son Barolo 2010 est gorgé de fruit et d’épices et soutenu par des tanins compacts. Encore jeune et très vigoureux, il devrait se bonifier d’ici 2018. (49,75 $)
Célèbre pour sa cuvée Castillo Ygay Gran Reserva, Marques de Murrieta produit aussi une version Reserva commercialisée sous le simple nom de Ygay. Le Rioja Reserva 2010 est une belle bouteille à revoir dans 5-6 ans. (29,70 $)
Disponible en très bonnes quantités dans le réseau et vendu pour moins de 15 $, le Lavradores de Feitoria, Douro 2013 ne titre que 13 % d’alcool, mais il a beaucoup de volume en bouche. À ce prix, on serait fou de s’en passer. (14,80 $) Un peu plus riche et boisé, le Gaivosa 2012, Primeros Anos, Douro est joufflu et assez rassasiant à sa manière. (20,95 $)
Et pour terminer sur une note de légèreté, le Régnié 2013 de Guy Breton fera le plus grand bonheur des amoureux du gamay. Comme plusieurs vignerons de la région, Breton a fait ses classes aux côtés de Jules Chauvet, père du mouvement des vins naturels. Son Régnié est souple, coulant, gorgé de fruit et irrésistiblement digeste. (28,30 $)
Santé!
Nadia Fournier
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