Les bons choix de Marc – Mai
Le revival du blanc
par Marc Chapleau
Quand j’ai commencé dans le vin, au milieu des années 1980, le blanc occupait environ les deux tiers des parts de marché à la SAQ. Aujourd’hui, à peu de choses près, c’est l’inverse. Sauf qu’on observe depuis quelques temps un regain de popularité du vin blanc : en 2013, il représentait ainsi 26 % des ventes, en hausse de 3 % par rapport à l’année précédente – et tout semble indiquer que cela va continuer à monter.
La boutade voulant qu’un grand vin soit d’abord rouge a donc de plus en plus de plomb dans l’aile. Les excellents blancs abondent, l’offre s’est beaucoup diversifiée, il y a, dans le lot, amplement de quoi s’amuser.
Mais les rouges aussi ont suivi le même chemin, il n’y a pas que les blancs qui soient dans l’ensemble mieux faits, de nos jours — en grande partie parce que le consommateur lui-même s’est raffiné, il goûte mieux que celui d’avant, et les vignerons n’ont pas eu le choix que de s’ajuster, eux aussi.
Alors pourquoi les blancs grugent-ils quand même le terrain occupé par les rouges ? Bonne question. Et plus qu’une seule réponse. Il y a sûrement aussi là-dedans un simple effet de mode, le changement pour le changement.
Autre possibilité, l’éclosion des cuisines du monde, le fait qu’on peut aujourd’hui facilement retrouver de tout dans son assiette, qui favorise les blancs – tout comme les rosés, du reste. Or, comme ils sont pratiquement dépourvus de tannins, les blancs s’accordent à une multitude de plats qui, autrement, entreraient en collision avec des vins plus ou moins astringents — c’est-à-dire bon nombre de rouges.
Polyvalence surfaite
L’explication ne tient cependant pas tout à fait la route, dans la mesure où cette polyvalence des blancs à table est surfaite. Je ne compte plus le nombre de fois, personnellement, où l’accord avec un blanc, fût-ce avec du poisson ou des fruits de mer, n’a pas fonctionné, un goût bizarre s’est formé, il n’y avait entre le verre et l’assiette vraiment pas d’atomes crochus — il faudra d’ailleurs que je demande à mister Chartier de m’éclairer là-dessus…
De toute manière, quoi qu’il en soit, je ne vais pas vous parler de blancs sans vous en suggérer quelques-uns. Surtout, diront les mauvaises langues, que si un indécrottable amateur de rouge comme moi les a aimés, c’est qu’ils sont vraiment très bons.
À tout seigneur, tout honneur. Pour commencer, trois blancs du Rhône, une région qui donnait jadis, voilà 30 ans, au pic de la popularité du vin blanc, des vins souvent mous, riches et gras mais manquant d’acidité et de bagout. Que les choses ont changé !
Pour s’en convaincre, on goûtera le Coudoulet de Beaucastel blanc 2012, le Crozes-Hermitage « Les Terres blanches » 2012 Domaine Belle ou le superbe, mais aussi beaucoup plus cher, Chevalier de Sterimberg 2011 Hermitage Jaboulet. Leur dénominateur commun : comme ils sont relativement riches et corsés, on les prendra à table, en mangeant, et non pour eux-mêmes, à l’apéro. Avec quoi ? Hum… Embêtant, après ce que j’ai dit tantôt… Bon, disons une viande blanche, alors, du bon vieux poulet grillé, par exemple.
Autre bon vin blanc plein et généreux comme les précédents, l’espagnol Ijalba Maturana Blanca 2012.
Pour l’apéritif, et bien qu’on pourrait aussi les associer à divers plats, direction la Bourgogne avec le très bon Chablis 2012 Louis Moreau (bouché avec une capsule dévissable, yé !) et le frais, intense et finement boisé Bastion De L’oratoire Chanson Meursault 2011 ; on pourrait aussi lorgner du côté de l’Allemagne, du Rheingau plus précisément, avec l’excellent Riesling Kabinett Künstler Hölle 2012, à la fois cristallin et puissant.
Étonnant Portugal
Enfin une curiosité, mais pas vraiment une nouveauté parce que je crois me souvenir que Michel Phaneuf, à l’époque, au début des années 1990, avait eu de très bons mots pour ce vin portugais, qu’on trouvait donc déjà à la SAQ. Chose certaine, ce Catarina Bacalhoa 2013 de la péninsule de Sétubal (juste au sud de Lisbonne) vaut le détour. Surtout qu’on peut l’obtenir pour une chanson ou presque – 14 $.
Maintenant, en terminant, ceci : vous pouvez bien entendu réagir à ce que je viens d’écrire, pour me dénigrer, par exemple, ou au contraire m’abreuver de compliments, notamment pour la qualité de mes accords vins-mets
Sauf que… si j’ai ensuite l’air d’être aux abonnés absents, si c’est silence radio de ma part, j’ai mes raisons. Je m’éloigne en effet de la civilisation et des médias sociaux pour les prochains jours. Parti loin dans le nord taquiner la mouchetée, la grise et le doré. J’apporte du blanc avec moi, of course, mais également beaucoup de rouge (on ne se refait pas), des pinots noirs de Nouvelle-Zélande notamment, qui vont à peu près avec n’importe quoi. Je les ai aussi choisis avec des capsules dévissables, histoire de ne pas avoir à apporter de back-ups au cas, très probable, où on serait autrement tombé sur des bouchonnés.
Bon long congé à vous autres itou.
Marc
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