Les résultats du Concours des meilleurs vins canadiens
Comment se porte le vin canadien – et québécois?
Par Rémy Charest
Chaque année, à l’arrivée de l’été, une bonne vingtaine d’experts canadiens du vin – et un ou deux juges internationaux – se réunissent quelque part au Canada pour déguster des centaines et des centaines de vins canadiens et d’autres boissons alcoolisées, lors du Concours des meilleurs vins canadiens – les National Wine Awards of Canada, fondés il y a seize ans par Anthony Gismondi et David Lawrason. D’année en année, le nombre de vins inscrits au concours augmente, et il a dépassé les 1500 vins, cette année, avec plus de 230 vignobles participants – une proportion significative de tous les vignobles canadiens, d’un océan à l’autre.
Le résultat, on s’en doute, est un portrait passablement complet des grandes tendances canadiennes, particulièrement pour une équipe de juges qui, dans l’ensemble, participe au concours depuis plusieurs années. On y voit le progrès, les cépages qui réussissent le mieux – et certaines choses qu’on aimerait moins goûter, aussi (je reste frappé par le nombre de merlots aux tannins rèches et aux notes rôties agressantes, alors que le cépage gagnerait à montrer son fruit simplement et sans trop d’extraction).
Cette année, les pinots noirs, syrahs et chardonnays ont été les cépages les plus en vue, comme en témoigne entre autre leur domination dans les médailles platine, décernées à seulement 1% des vins soumis – 16 vins sur plus de 1500. Le chardonnay occupe le tiers de cette catégorie de haut vol. Les rieslings et gamays font également toujours très bien, comme on le voit aussi dans les médailles d’or, où les deux vins sont bien représentés (quoi que du gamay canadien, on en prendrait toujours plus). Il y a aussi nombre de vins mousseux très solides et plusieurs vins de fruits (voire de miel ou d’érable) d’excellente qualité.
Les rosés sont, de leur côté, la catégorie qui s’est le plus amélioré, récemment. À mesure que ces vins gagnent en popularité, on sent que les vignerons les produisent avec une idée claire, et non pas seulement avec des raisins de seconde zone – ou simplement en saignant des cuvées de rouge pour tenter d’obtenir des rouges plus concentrés. Plusieurs très bons rosés de pinot noir et de gamay se sont distingués cette année.
La maison de l’année
Au travers de cette avalanche de cuvées en tous genres, un producteur exceptionnel a remporté le titre de producteur de l’année pour une quatrième fois : Tawse Winery, dans le Niagara, dont plusieurs vins sont régulièrement disponibles au Québec, qui s’est distingué entre autres avec d’excellents pinots et rieslings – on verra d’ailleurs revenir leur riesling d’entrée de gamme sur les rayons de la SAQ dans les mois à venir. À surveiller.
Juste derrière Tawse, la maison Lake Breeze, dans l’Okanagan, a remporté le prix du petit producteur s’étant le plus distingué – notamment avec un excellent sémillon, un signe de la diversité croissante de la production canadienne. Au fil du concours, les juges ont vu défiler de très bons malbecs, albariños, grenaches, viogniers, tempranillos, mourvèdres et cie.
À noter qu’à peine la moitié des vins soumis obtiennent une médaille de bronze, d’argent, d’or ou de platine : les juges attribuent ces récompenses avec sérieux, à des vins dont ils considèrent, en consensus, qu’ils ont un mérite certain. L’ensemble des résultats est disponible ici (en anglais), et vous pouvez aussi lire le bilan dressé par David Lawrason, co-juge en chef du Concours (également en anglais).
Goûter, plus librement
Pour les Québécois qui seraient curieux de goûter ses vins, souvent de petites productions qui ne se rendent pas sur les rayons de la SAQ, il est bon de se rappeler que les gouvernements du Québec, de l’Ontario et de la Colombie-Britannique ont récemment signé un accord permettant désormais aux citoyens d’une de ces provinces de commander directement des vins des deux autres provinces pour leur consommation personnelle. Vous voulez découvrir les excellents rieslings de Thirty Bench (comme le Wood Post, mon préféré), ou encore goûter les vins inusités de la maison Moon Curser, en Colombie-Britannique (comme l’excellent Dead of the Night, moitié tannat, moitié syrah)? Vous pouvez désormais leur parler directement et vous faire expédier un colis en toute légalité.
Et le Québec?
Bien que l’Ontario et la Colombie-Britannique dominent – et de loin – la production canadienne, le Québec commence à prendre goût au Concours des meilleurs vins canadiens. Les vignerons québécois – et producteurs de cidre, de vins de fruits, d’hydromel et d’érable – sont allés chercher une douzaine de médailles.
En tête de liste, trois médailles d’or pour des vins doux exceptionnels, soit le Vin de glace de vidal du Vignoble du Marathonien, dont la complexité a séduit les juges, la Cuvée de la Diable, excellent hydromel longuement élevé par la maison Desrochers D, et le délicieusement oxydatif Val Ambré du Domaine Acer. Ces trois produits se sont donc distingués parmi les meilleurs dégustés au concours, toutes catégories confondues : 103 médailles d’or ont été décernées au total, soit à peine 6,7% de tous les vins inscrits.
À noter que les trois médaillés d’or québécois ont aussi remportés des médailles d’argent, avec le Blizz pour Desrochers D, le Charles-Aimé Robert pour le Domaine Acer, et le Vidal Vendange tardive pour le Marathonien. Grâce notamment à leur belle acidité, si nécessaire pour ce style, les vins de glace québécois ont très bien fait, dans l’ensemble, comme en témoignent les médailles d’argent du Monde, du Vignoble de la Rivière du Chêne, et du Vidal 2012 du Domaine des Salamandres. Un petit velours pour les producteurs québécois, après toute la saga qui a entouré les définitions du terme vin de glace, à l’échelle canadienne.
Du côté des vins de table secs, on remarque en particulier les médailles d’argent du Sélection Rouge du Domaine Saint-Jacques et du Seyval-Chardonnay du Vignoble Les Pervenches. Encore une fois, il faut noter que les médailles sont décernées à moins de la moitié des vins inscrits. Plusieurs vins secs québécois ont obtenu des scores très corrects, sans décrocher de médaille.
En terminant – et en restant dans le thème québécois – notons que le Domaine Queylus, dans le Niagara, propriété d’une douzaine de Québécois grands amateurs de vin, où vinifie également un Québécois bien connu, Thomas Bachelder, s’est classée au 25e rang des meilleurs vignobles canadiens, avec sept médailles dont deux d’or, pour ses excellents pinots et chardonnays. Une maison à découvrir, dont les vins commencent à entrer sur les rayons de la Société des alcools du Québec. Bref, même pas obligé de profiter de la nouvelle libéralisation du commerce du vin avec l’Ontario et la Colombie-Britannique pour les découvrir…