Mettre de l’eau dans son vin
Soif d’ailleurs avec Nadia Fournier
Même s’il est maintenant considéré par une bonne partie de la planète comme un produit de luxe, le vin est d’abord une boisson populaire. Pour les peuples de l’Europe méridionale, il était avant tout une boisson saine, à une époque où l’eau n’était pas toujours propre à la consommation. Au même titre que la bière dans les pays du nord de l’Europe, en fait.
« Le vin […] peut être, à bon droit, considéré comme la plus saine, la plus hygiénique des boissons » – Louis Pasteur (1866)
Remettons d’abord les choses dans leur contexte. Le vin est né en périphérie du bassin méditerranéen. Là-bas, le climat est chaud, aride et le soleil rayonne jusqu’à 2 800 heures par année ! On peut donc imaginer que la population avait grand besoin de se désaltérer. Malheureusement, le vin de l’époque était un peu trop alcoolisé pour servir cette fonction. On a donc pris l’habitude de le couper avec de l’eau.
Geste sacrilège s’il en est un pour les œnophiles d’aujourd’hui, mettre de l’eau dans son vin (au sens propre) était jadis perçu comme une façon de se préserver de la barbarie. Pour les Grecs et les Romains, boire du vin pur tenait d’ailleurs de l’hérésie. Rien de moins !
Il faudra attendre le début du 19e siècle pour observer le début d’un changement dans les mœurs des Italiens, des Espagnols et des Français. On prend alors l’habitude de ne couper son vin qu’un service sur deux. Au siècle suivant, cette pratique est réservée presque exclusivement aux repas de famille.
Aujourd’hui, même si le degré alcoolique des vins est sensiblement supérieur à celui d’autrefois, je me verrais bien mal – étant donnée ma profession surtout – m’adonner (publiquement) au coupage d’un vin. Mais une chose est certaine : lorsque le mercure grimpe, je n’ai pas la moindre envie d’un vin capiteux. Je fuis comme la peste les cuvées primées par les magazines américains et je me rabats le plus volontairement du monde sur un pétillant naturel, un cava, un prosecco, un « petit » vin rouge du Beaujolais, de la Loire, de la Grèce… ou de la Patagonie, soyons fous !
La seule chose qui m’importe, après tout, c’est de pouvoir apprécier une bonne bouteille, en bonne compagnie, sans être fatiguée après deux verres. Pour accompagner les journées caniculaires qui reviendront peut-être d’ici septembre, voici quelques suggestions de vins et cidres légers en alcool, mais jamais insipides !
Léger comme une plume avec ses 9,8 % d’alcool, le FRV100 (22,15 $) de Jean-Paul Brun est arrondi d’un léger reste de sucre (30 grammes), plein de vitalité et gorgé de saveurs fruitées. Il donne l’impression de mordre à pleines dents dans une grappe de gamay.
Attrayant à la fois pour l’oeil, le nez et la bouche, le Cidre mousseux rosé (19,95 $) de Michel Jodoin doit sa jolie couleur à la geneva, une variété de pomme à chair rouge. Léger en alcool, mais loin de manquer de saveurs!
Issu des cépages parellada, maccabeu et xarel-lo, conduits en agriculture biologique, le Cava Brut de Parès Balta (16,95 $) est de ces vins dont on devrait toujours avoir une bouteille au frais. Au cas où des amis se pointeraient pour l’apéro. Seulement 11,5 %, une fraîcheur rassasiante et un rapport qualité-prix remarquable!
Le fait qu’il soit élaboré selon la méthode charmat (cuve close) n’enlève rien à la qualité du Prosecco. Au contraire, on se régalera de la pureté aromatique et de la délicatesse du Crede 2013 (21,90 $) élaboré par la famille Bisol, dans les collines du nord de la Vénétie. Vite, sortez le melon et le jambon de Parme!
En 2004, Piero Incisa – petit-fils de l’illustre Mario Incisa della Rochetta, créateur de Sassicaia – a commencé à acquérir de vieilles parcelles plantées de pinot noir dans la vallée du Rio Negro, au nord de la Patagonie. Issue de jeunes vignes et d’un repli de la cuvée Cincuenta y Dos (vigne plantée en 1955), la cuvée Barda 2012 (25 $), comme tout le reste de la production chez Chacra d’ailleurs, est issu de l’agriculture biodynamique.
D’un domaine de la Loire conduit en biodynamie, la cuvée Vieilles vignes 2011 (17,95 $) est l’un de ces vins rouges qu’on peut acheter les yeux fermés. Élaboré par Vincent Girault au Clos de la Briderie, le vin ne titre que 12,3 % d’alcool, mais il en mène assez large en bouche avec la consistance tannique et le tonus que lui confère le côt (malbec).
Sur un mode beaucoup plus souple et juteux, le Gamay de Touraine 2013 (17,95 $) du Domaine de La Charmoise est l’archétype du vin gouleyant, c’est-à-dire frais, agréable à boire et léger. Désormais un classique estival.
Légèreté et générosité fruitée n’excluent en rien complexité et nuance. À leur meilleur, les vins du Beaujolais font preuve de profondeur, sans pourtant sacrifier l’esprit guilleret qui fait tout le charme du cépage gamay. Issu d’une très belle parcelle dont le sol est un amalgame de granit bleu et de roches volcaniques, le Côte de Brouilly 2012 (23,25 $) de Jean-Paul Brun est impeccable. Un autre vin qui, comme on dit dans la région : « se boit sans soif »…
Santé !
Nadia Fournier
Note de la rédaction: vous pouvez lire les commentaires de dégustation complets en cliquant sur les noms de vins, les photos de bouteilles ou les liens mis en surbrillance. Les abonnés payants à Chacun son vin ont accès à toutes les critiques dès leur mise en ligne. Les utilisateurs inscrits doivent attendre 30 jours après leur parution pour les lire. L’adhésion a ses privilèges ; parmi ceux-ci, un accès direct à de bons vins!