Redécouvrir le Canada autrement
Soif d’ici, avec Nadia Fournier
Cette semaine, permettez-moi de changer le titre de cette chronique (Soif d’ailleurs), pour « Soif d’ici ». Si je prends cette liberté, c’est d’abord à l’occasion de la fête du Canada, mais aussi parce que je rentre tout juste de Penticton, où les équipes de Chacun son vin et de Wine Align étaient réunies pour déguster plus de 1300 vins canadiens dans le cadre du National Wine Awards.
Le constat de la semaine ? Tout n’est pas encore parfait, mais avec des connaissances viticoles et œnologiques accrues et des vignes qui gagnent en maturité, on a toutes les raisons de croire que les vins seront encore meilleurs !
Parmi les coups de cœur de la semaine, je retiens, entre autres, de délicieux cabernets francs, de somptueuses syrahs, des pinots noirs et des rieslings de classe internationale et nombre de chardonnays de climats frais, d’un équilibre exemplaire.
D’un océan à l’autre, voici donc un survol de très bons vins canadiens que l’on peut trouver à la SAQ.
La Nouvelle-Écosse en pleine effervescence
Le climat hivernal doux et les étés frais de la Nouvelle-Écosse sont de très bonnes conditions pour la culture de raisins à forte teneur en acidité, nécessaires à l’élaboration de vins effervescents. Par conséquent, la province produit déjà plusieurs mousseux de très bonne qualité et l’avenir s’annonce encore plus prometteur avec les plantations récentes de chardonnay, de pinot noir et de pinot meunier, les trois principaux cépages de la Champagne.
Depuis 2008, le Québécois Jean-Benoît Deslauriers agit à titre d’oenologue chez Benjamin Bridge, vignoble agrobiologique développé en 2001 sur les rives de la baie de Fundy. Premier vin offert à la SAQ, le Nova 7, un effervescent, est issu d’acadie blanc 22 %, de muscat (16 %), d’ortega et de vidal. Un vin doux certes, mais qui n’accuse aucune lourdeur malgré ses 62 grammes de sucre. Une boisson fort sympathique – et originale – pour terminer le repas sans trop se fatiguer!
La belle province se raffine et se réinvente
Un peu plus de 270 exploitations se consacrent à la culture de la vigne au Québec. C’est peu si l’on compare à nos voisins ontariens, mais c’est loin d’être négligeable. De mieux en mieux représentés à la SAQ, et avec raison, les vins québécois présentent une qualité beaucoup plus homogène depuis cinq ans. Plusieurs hommes d’affaires sérieux ont investi dans le vignoble et s’y sont consacrés avec la même rigueur que pour leur première carrière. Leur contribution, conjuguée au savoir-faire d’œnologues qualifiés et d’agriculteurs chevronnés comme Réjean Guertin (Les Artisans du Terroir, à Saint-Paul-d’Abbotsford), permet de faire progresser la qualité des vins québécois à plus grande vitesse.
Je sais que certains d’entre vous ont encore en tête de mauvaises expériences passées et sont encore frileux quant à l’idée d’acheter des vins québécois. Chat échaudé craint l’eau froide, dit-on. Mais toutes les régions viticoles ont connu des débuts hésitants et le Québec n’y fait pas exception. Pour vous réconcilier avec les vins d’ici, voici quelques suggestions pour vous inciter à mettre le Québec dans votre verre avec autant de plaisir et de fierté que dans votre assiette !
En 2006, la famille Robert a acquis un immense verger situé à Rougemont, à une cinquantaine de kilomètres à l’est de Montréal. Développé dès 2007 sur les coteaux voisins du verger, le vignoble compte aujourd’hui près de 50 000 plants! Tous deux disponibles dans l’ensemble du réseau de la SAQ, les cuvées Versant Rouge et Versant blanc témoignent du sérieux des frères Robert à produire des vins de qualité, à la fois savoureux et rassasiants de fraîcheur.
Un peu plus au Sud, mais toujours en périphérie de Montréal, Nicole Du Temple et Yvan Quirion mènent avec beaucoup de dynamisme le Domaine St-Jacques, à Saint-Jacques-le-Mineur, en Montérégie. Depuis trois ans maintenant, leur Sélection rouge 2013 compte parmi mes vins rouges québécois favoris. Juteux, débordant de fruit et surtout, très digeste, grâce à une saine acidité qui laisse la bouche fraîche et nette. Plus modeste, mais non moins agréable, le Classique blanc 2013est aussi tout indiqué à l’apéritif.
Référence incontestée depuis sa création en 1999, le Domaine Les Brome est un fleuron des Cantons de l’Est. Ancien banquier et professeur d’économie, Léon Courville veille sur un vignoble de près de quelque 18 hectares, en bordure du lac Brome. Son Vidal 2012 est fort agréable à l’apéritif ou en accompagnement de mets indiens. À retenir aussi, Le Courville, un très bon vin effervescent, savoureux et délicatement brioché, disponible exclusivement à la propriété.
Cet été, si vous êtes de passage dans la région de Québec, un détour par l’île d’Orléans s’impose. Les propriétaires du Vignoble Sainte-Pétronille se sont associés à ceux du restaurant Panache (Auberge Saint-Antoine, à Québec) pour établir le Panache Mobile, une roulotte adjacente à la terrasse, où les visiteurs peuvent déguster un bon verre de vin accompagné d’une « guédille » au homard, avec une vue imprenable sur les chutes Montmorency. La cuvée le Voile de la Mariée doit son nom à l’une des deux petites chutes qui bordent l’impressionnante chute Montmorency. Un très bon vin d’apéritif, vif, pimpant et juste assez aromatique.
Ontario, le leader canadien
L’Ontario demeure le numéro un canadien avec un vignoble qui couvre un peu plus de 6500 hectares (65 km2). Le secteur de Niagara représente toujours l’essentiel de la production viticole ontarienne, mais on note de très belles avancées qualitatives dans le comté de Prince Edward (PEC), où des sols argileux s’avère un atout majeur pour la culture des cépages bourguignons. Trois de mes pinots noirs favoris dégustés la semaine dernière à Penticton provenaient d’ailleurs du « County ».
À Niagara, le pinot noir donne généralement des vins plus nourris et charnus qu’à PEC, mais la qualité d’ensemble est, selon moi, moins homogène. En revanche, le chardonnay et le riesling semblent avoir trouvé un terrain de jeu rêvé dans la péninsule, donnant des vins blancs naturellement équilibrés.
Contre toutes attentes, ce n’est pas d’une variété bourguignonne qu’est née ma révélation de cette dernière semaine, mais bien d’un cépage basque : le cabernet franc. J’avais déjà été séduite par la finesse et l’élégance de ceux de Tawse, dont j’avais goûté un 2002 l’année dernière, mais j’ignorais qu’autant de domaines de Niagara s’y consacraient avec autant de succès. Les cabernets francs dégustés étaient, dans l’ensemble, plus précis, moins boisés, empreints de fraîcheur et déployaient un spectre aromatique étonnamment complexe et nuancé. À suivre!
Né d’un partenariat entre le groupe Boisset et la société canadienne Vincor, Le Clos Jordanne est l’une des références en matière de cépages de Bourgogne. Originaire de Bourgogne, l’œnologue Sébastien Jacquey a succédé au Montréalais Thomas Bachelder, qui élabore maintenant des vins sous sa propre étiquette. alors que la qualité se manifeste même dans le vin courant de la propriété. Tous deux disponibles à la SAQ, les Chardonnay 2009 et Pinot noir 2009 de la gamme Village Reserve sont autant de bons achats pour s’initier à bon prix aux vins de Niagara.
Plus nourri que celui de Clos Jordanne, le Chardonnay 2009 de Flat Rock Cellar plaira aux amateurs de vins blancs boisés et vineux. Tout indiqué pour accompagner le homard des îles!
Tawse Winery est le joujou du financier torontois Moray Tawse, qui a construit un domaine de grande envergure à Vineland, sur les rives du lac Ontario. Le talent de vinificateur du Québécois Pascal Marchand se manifeste davantage dans les cuvées parcellaires du domaine – pinot noir et cabernet franc entre autres –, mais aussi dans le Chardonnay 2011 et le Riesling 2010 courants du domaine. Simples, mais tout à fait recommandables à moins de 25 $.
Colombie-Britannique, le désert et les montagnes
Les vins de Colombie-Britannique ont généralement une allure un peu plus nourrie, enveloppée et moderne que ceux de l’est du pays. Les vins de pinot noir tendent à ressembler à ceux de régions fraîches de Californie et les assemblages bordelais, quoique mieux équilibrés, rappellent ceux de leur voisin, dans l’État de Washington.
Depuis une quinzaine d’années cependant, la Colombie-Britannique a démontré qu’elle a un climat propice à la culture de cépages alsaciens (pinot gris, riesling, gewurztraminer ou pinot blanc). Elle en tire de bons vins blancs aromatiques et originaux, dont le marché canadien a grandement besoin.
La partie septentrionale de l’Okanagan est aussi la source de vins plus fins et délicats, issus de chardonnay, de pinot noir ou de gamay, qui donne ici d’excellents résultats. Celui d’Orofino mérite une mention spéciale!
Mais la palme de la semaine va sans la moindre hésitation à la syrah, qui nous a donné de grands moments de plaisir. Je ne peux encore vous révéler le nom des domaines les plus méritoires, mais surveillez de près le dévoilement des résultats du Canadian Wine Award. Il y a quelques bijoux à découvrir!
Nommé d’après un hibou menacé d’extinction, le domaine Burrowing Owl, situé à quelques kilomètres au nord du lac Osoyoos, est un modèle d’entreprise environnementalement responsable. Sans rien révolutionner, son Chardonnay 2011, disponible à la SAQ est un bon exemple du genre : assez gras et agréable à boire.
Également situé sur les rives du lac Osoyoos, au sud de la vallée d’Okanagan, Osoyoos-Larose est né d’un partenariat entre la canadienne Vincor et le Groupe Taillan (Gruaud-Larose, Ferrière et Chasse-Spleen, dans le Médoc). Le vignoble planté il y a une douzaine d’années – racheté en totalité par le groupe Taillan – donne maintenant de très beaux fruits. Pour en juger sans se ruiner, le Pétales d’Osoyoos 2011, second vin du domaine, offre un bon rapport qualité-prix. À savourer au cours des cinq prochaines années, en attendant le Grand Vin!
En bordure du lac Okanagan, dans le secteur prisé du Naramata Bench, les vins de David et Cynthia Enns (Laughing Stock Vineyards) jouissent d’une réputation bien méritée, du moins si l’on en juge par la qualité de Portfolio 2011, issu de cabernet sauvignon (42 %), de merlot, de malbec et de cabernet franc.
Plus au nord, installé à West Kelowna sur la rive du lac Okanagan, le vignoble de la famille Stewart célèbre cette année son 25e anniversaire. Plus que tout autre domaine de l’Okanagan, Quails’ Gate a mis beaucoup d’efforts à la mise en valeur du cépage pinot noir. Leur cuvée Dijon Clone est une référence. Impossible à trouver au Québec, mais commenté ICI par des collègues. Quoique plus modeste, le Pinot noir Family Reserve 2011 propose une interprétation moderne et fougueuse du cépage. Les rendements sont limités et le vin est élaboré dans un esprit d’élégance.
Mission Hill, le domaine d’Anthony von Mandl est l’un des piliers de la viticulture britanno-colombienne. En plus de vins rouges d’envergure, la spectaculaire winery commercialise un excellent Riesling 2012, sec frais et désaltérant. Le vin d’été par excellence!
Santé, et bonne fête du Canada !
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